lire - Boris Charmatz

Manifeste pour un Musée de la danse

Le Musée de la danse voudrait bousculer et l'idée que l'on se fait du musée, et l'idée que l'on se fait de la danse ! Mariage impossible entre deux mondes, il explore les tensions et les convergences entre arts plastiques et arts vivants, mémoire et création, collection et improvisations sauvages, œuvres mouvantes et gestes immobiles.

Extraits du Manifeste pour un Musée de la danse (version intégrale à télécharger en bas de l'article) :

La danse et ses acteurs se sont souvent définis en opposition à des arts dits pérennes, durables, statiques, dont le musée serait le lieu de prédilection. Mais si l'on veut aujourd'hui ne plus occulter l'espace historique, la culture, le patrimoine chorégraphique, fut-il le plus contemporain, alors il est temps de regarder, de rendre visibles et vivants les corps mouvants d'une culture qui reste largement à inventer. (...) Le Musée de la danse voudrait ainsi bousculer et l'idée que l'on se fait du musée, et l'idée que l'on se fait de la danse ! Mariage impossible entre deux mondes, il explore les tensions et les convergences entre arts plastiques et arts vivants, mémoire et création, collection et improvisations sauvages, œuvres mouvantes et gestes immobiles. Ce projet utopique entend créer de l'espace public pour un art en prise avec les questions contemporaines, un espace public ouvert et expérimental, résolument en mouvement.


Un micro-musée, mais un musée véritable : il assume pleinement ses missions de musée et respecte un équilibre entre ses différentes fonctions de conservation, création, recherche, exposition, diffusion, sensibilisation, médiation, sans en négliger aucune. C'est cette interdépendance qui justifie la création d'une structure muséale.

Un musée d'artistes : des chercheurs, des collectionneurs, des commissaires d'exposition participent à la vie du musée, mais il est avant tout le fait d'artistes qui l'inventent en créant des œuvres. C'est donc un projet artistique initié par Boris Charmatz, mais mis en place par de nombreux artistes.

Un musée excentrique : il veut être une introduction, une mise en appétit, un lieu de sensibilisation à la danse et à la culture chorégraphique au sens large, à l'histoire du corps et ses représentations. Il n'est pourtant pas exclusivement centré sur l'art chorégraphique : il ne cherche pas à établir une taxinomie de la danse, ne se fixe pas pour objectif d'offrir une définition arrêtée de la discipline. Il n'a pas non plus pour idéal de donner une représentation exhaustive des différentes danses pratiquées à travers le monde. Il veut stimuler le désir de connaître.

Un musée incorporé : il ne s'élabore qu'à condition d'être construit par les corps qui le traversent, ceux du public, des artistes, mais aussi des employés du musée (gardiens, techniciens, personnel administratif, etc.), qui activent les œuvres, en deviennent même les interprètes.

Un musée provoquant : il aborde la danse et son histoire à travers une vision résolument contemporaine. Il s'emploie à questionner les connaissances naïves que chacun se fait sur la discipline. Il provoque des rapprochements improbables, des confrontations entre des mondes habituellement étrangers l'un à l'autre. Il remet en cause les idées reçues qui circulent autour de la danse... et donc ailleurs dans la société.

Un musée transgressif : il assume pleinement le fait que son activité ne se limite pas à la quête et à la présentation de l'objet « authentique » ; il encourage artistes et visiteurs à s'emparer des œuvres, il stimule le piratage. La création artistique et l'expérience du visiteur sont au cœur de son action. Lieu de vie, espace social de controverse, lieu de discours et d'interprétation, il n'est pas seulement un espace d'accumulation et de présentation.

Un musée perméable : il défend le principe selon lequel s'ouvrir à une conception élargie de la danse, c'est accepter de se laisser traverser par d'autres mouvements, sortir d'une identité fixée. S'ouvrir à la différence.

Un musée aux temporalités complexes : il pense l'éphémère et le pérenne, l'expérimental et le patrimonial. Actif, réactif, mobile, c'est un musée viral qui peut se greffer sur d'autres lieux, diffuser la danse là où elle n'est pas attendue. C'est aussi un musée dont le programme évolue au rythme des saisons, capable de s'installer sur les plages en période estivale ou de proposer une Université d'hiver...

Un musée coopératif : il est indépendant, mais fonctionne en lien avec un réseau de partenaires, coopère avec les institutions liées à la danse (contemporaine, classique et traditionnelle, savante et populaire), les musées, les centres d'art et galeries, les centres de recherche et les universités et ne se situe en aucun cas contre elles. Il tisse des relations approfondies avec des individus, qu'il s'agisse d'artistes de renommée internationale tels que Mikhail Baryshnikov, Steve Paxton ou William Forsythe ou d'amateurs passionnés.

Un musée immédiat : il existe dès le premier geste posé.

Boris Charmatz

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